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Brèves chroniques familiales

18 avril 2016

Cinq ans dèjà !

 

           Demain nous serons le 19 Avril . Demain j'irai, comme chaque année jeter quelques roses rouge dans la mer, là où il y a cinq ans j'avais immergées tes cendres en face de la croix des marins.

   Cinq longues années de solitude . Je ne croyais pas te survivre si longtemps et pourtant la vieille carcasse résiste, sans objet, inutile , l'instinct vital plus fort que la peine. Non je ne verserai pas dans la prose élégiaque, je vois ton sourire moqueur qui me surveille tendrement depuis le mur du bureau, derrière l'ordi sur lequel je divague doucement . Allons, demain on nous promet une belle journée de printemps, tes roses vont briller à la surface de l'eau, j'espère que leur parfum t'atteindra . Bonsoir ma douce chérie, à demain.

 Ton Captain.

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22 mars 2016

39/40 Ma Drôle de Guerre



    Je ne saurais mieux  faire, en guise d’entrée en matière, que citer cet extrait du délicieux livre de Bertrand Poirot-Delpech, « Le Couloir du dancing » (1) :
       « _ Vous n’allez tout de même pas repartir à la guerre pour un couloir de dancing ?
        Depuis des semaines, j’entendais de travers. Au lieu de Dantzig, le port polonais que Hitler avait annexé et pour lequel les Alliés renâclaient à mourir, j’entendais « dancing », autre mot à la mode, chargé de mystère canaille, bruissant de  tangos. »       
 

  Il se trouve que l’auteur et moi-même avions le même âge à l’époque de ces évènements. J’entendais les conversations des « grandes personnes » à table et ce mot qui revenait sans cesse me plongeant dans la même troublante incertitude. Mon couloir du dancing était celui que nous longions au cinéma l’Eden pour accéder à la salle de spectacle, son entrée baigné d’une lumière rouge infernale  exhalant un fumet lourd d’interdit !

  À Pasteur, cependant, la guerre était un concept familier : outre la mémoire prégnante du dernier conflit, les échos de celle qui faisait rage en Espagne depuis trois années nous parvenaient, d’abord au travers des conversations, souvent passionnées, dont elle était l’objet autour de nous : évocations des violences faites aux églises par les « rouges », comme du martyre des serviteurs de la foi ainsi que de l’héroïsme et des faits d’armes des défenseurs du royaume, les « nationalistes », face aux « rebelles ». La lecture quotidienne du journal « La Croix » par ces dames apportait son lot d’informations terrifiantes ou exaltantes. Nous avions suivi passionnément, entre autres, les péripéties du siège de l’Alcazar de Tolède. La proximité de la frontière augmentait la perception que nous avions de ces évènements dramatiques et des commentaires qu’ils entrainaient. Certains échos du conflit résonnaient plus fortement comme l’explosion des mines échouées à l’entrée des passes du Bassin après avoir dérivées dans le courant depuis les côtes cantabriques. C’est aussi l’arrivée de réfugiés échappés aux combats qui en furent les premières manifestations physiques, prémices de ce que nous allions connaître dans si peu de temps.

  La guerre avec l’Allemagne nazie ayant été déclarée le 3 septembre 1939, nous étions rentrés à Paris avec notre mère qui nous renvoya à Arcachon sans attendre la rentrée des classes. «L’automne 1939 est beau à en mourir, comme souvent les veilles de guerre».  Ces premières lignes de l’ouvrage de Poirot-Delpech  réveillent en moi les sensations vécues après notre retour au pensionnat. C’est vrai, il faisait un temps superbe et la villa Faust fut paradoxalement pleine d’animation et de gaité en ce mois de septembre : s’y retrouvèrent comme pour une dernière fête mes cousins Jacques et Yves, ce dernier reçu au concours allait intégrer l’École Navale et me dessinait au tableau de magnifiques contre-torpilleurs, Patrick Wilson, un ancien élève, superbe dans sa tenue de cadet de Sandhurst venu embrasser sa mère qui habitait un joli cottage à l’orée de la forêt, nous passait sur un tourne-disque des airs de « Lamb’s Walk », la danse à la mode. La gent féminine était représentée par Jacqueline Boursin, nièce de mes cousines et d’autres grandes élèves dont Joan Claig, une jeune pensionnaire anglaise. Jacqueline Boursin qui avait fait fonction de surveillante des petites classes, allait se marier avec un jeune ingénieur TP qui l’emmena en Indochine où il trouva la mort au Tonkin, assassiné par les Japonais. Inutile de dire que le climat de l’institution en était transformé et que les joyeux couples de danseurs évoluant sous le regard indulgent de Tante Suzanne étaient bien la preuve que nous nous trouvions au seuil d’une autre époque.  

  Monique et moi n’étions pas perdus au milieu de cette agitation, en effet mes grands-parents Labour, Camille, Victoire et tante Berthe étaient venus s’installer à Arcachon, à la villa Siebel, en attendant de voir la situation évoluer. Ils y passèrent tout l’hiver. Yvonne Labour, ma marraine, s’étant improvisée répétitrice de langue allemande résidait également à Arcachon ce qui lui permettait, accessoirement, d’avoir un œil sur son fils Jacques.

  C’est donc dans la joie et la bonne humeur que s’engageait cette vraiment drôle de guerre ! Après les ris et les jeux, les cours reprirent dans le calme retrouvé tandis que les communiqués de guerre continuaient de présenter les « opérations » comme des manœuvres de routines sans conséquence. Si les veilles de guerre  les automnes sont souvent beaux et chauds, d’après  Poirot-Delpech, je crois pouvoir affirmer que les hivers de guerre, eux,  sont polaires comme si Dieu voulait châtier la folie des hommes. Celui de 39/40 n’y manqua pas. J’avais commencée une initiation au ski sur les aiguilles de pin l’année précédente mais la piste recouverte de neige gelée eut vite raison de mes chevilles mal équipées. Cependant le charbon ne manquait pas et l’on nous annonçait que « la route du fer était coupée ! »

  Cependant à Paris, notre mère avait dû se chercher un nouvel emploi, Monsieur Stern dont elle était secrétaire, ayant cessé toute activité faute de pouvoir faire rentrer d’Allemagne les produits qu’il commercialisait. Ce fut donc au Ministère du Blocus, entité gouvernementale nouvellement créé, qu’elle  réussit à se faire engager. Ce premier automne de guerre fut aussi la dernière occasion et cela avant plusieurs années, d’une réunion de toute la famille Labour. Famille récemment agrandie par le mariage de Guy avec Madeleine Devies. Sur une photo prise rue Chomel (1)*par mon père on voit, réunis autour d’une table, les trois frères, Jean, Jacques et Guy, les trois belle-sœurs, Yvonne, Jacqueline et Madeleine, ainsi que Lucien Devies, frère de Madeleine. Participent également au repas mes deux cousins Yves et Jacques. Belle tablée en vérité et chargée d’émotion pour le survivant que je suis !

(1)*

Labour's family1


  Une autre photo (2)* prise à cette occasion montre les trois frère en uniforme de mobilisés : Jacques, mon père en tenue d’officier de marine fait briller ses épaulettes aux cotés de ses frères Jean, l’aviateur et de Guy le chasseur. Si leurs destins furent différents ils purent au moins se retrouver sains et saufs à l’issue du conflit.

(2)*

Annees40_3Labours   


Notre père, après cette brève pose, avait rejoint son poste à bord du Fort de Troyon, militarisé avec une pétoire supposée décourager les velléités offensives des U-boot nazis. Il y enchaînait les convois vers la côte d’Afrique au cours desquels la guerre cessait d’être drôle quand un navire torpillé sombrait à proximité.
Ma sœur et moi ne devions le revoir que beaucoup d’années plus tard, en octobre 1944, mais ceci est une autre histoire. 

  Yves (3)*, mon cousin préféré, n’a pas survécu à la guerre, tombé en service aérien le 16 décembre 1945. Il n’avait pu réaliser son rêve de faire l’École Navale, celle-ci ayant été évacuée en juin 40 avant l’arrivée des Allemands et les « bordaches » transférés à l’École de l’Air de Salon de Provence. Il y fit son école de pilotage pour terminer en 1942, comme sous-lieutenant de la dernière promotion de la guerre. Dispersés dans les groupes de « Jeunesse et Montagne » ils en furent  exfiltrés vers l’Espagne à travers les Pyrénées pour ensuite rejoindre l’Afrique du Nord. Malheureusement Yves et son compagnon furent abandonnés par leur guide en pleine tempête de neige. Retrouvés par la Guardia Civil et mal soignés, Yves après des soins à Barcelone et grâce aux relations de sa mère,  fut évacué en Algérie où il fut admis à reprendre une formation de navigant malgré un pied très diminué. C’est en rejoignant Villacoublay comme membre d’équipage d’un bimoteur Siebel dont un moteur tomba en panne à la fin du vol, qu’ils ne purent parvenir jusqu’à la piste,  accrochant des lignes de haute tension au dessus de la vallée de la Bièvre pour s’écraser au sol le 16 décembre 1945.
Jacques, son frère, n’eut guère plus de chance : après une campagne de Normandie très éprouvante comme secouriste sur les lieux des combats, il s’engagea  après la Libération dans les rangs de l’armée du Gal de Lattre de Tassigny en cours de formation. C’est en Alsace, engagé avec son unité de Chasseurs, face aux Allemands qui empêchaient le passage du Rhin, qu’il sauta sur une mine antipersonnelle qui lui arracha la jambe droite. Sa formation et son expérience de secouriste l’aidèrent à se faire le garrot qui lui permit d’attendre les secours dans la neige. Cela mit aussi un terme à sa vocation de Saint-Cyrien. Il perdit la vie le 20 août 1975 au cours d’un accident de moto bénin mais aggravé par sa prothèse qui accrocha la glissière de sécurité de l’autoroute et  projeta  violemment sa tête sur le rail où elle s’y brisa malgré son casque.


(3)*

Yves_Yvonne_Jacques  Yves_ Faire part


  L’hiver passé, avec le printemps vinrent les premiers éléments de ce qui sonnait comme une fin de partie : la guerre entrait résolument dans une phase active qui ne laissait plus de doute quant à la détermination des parties prenantes. Après l’affaire de Narvick, la « route du fer » décidément mal coupée, commencèrent les choses sérieuses. Ce n’étaient plus des réfugiés Espagnols fuyant Franco que nous allions accueillir et guider vers les centres d’accueil organisés par la Mairie, mais des familles Belges d’abord, puis françaises du Nord de la France ensuite. Nous vîmes arriver les voitures couvertes de bagages hétéroclites, voire de sommiers et de literies. Là on ne rigolait plus !
  Ce n’était qu’un début, avec le mois de Juin ce ne sont pas les hirondelles qui arrivèrent mais les avant-gardes de la Wermarch. II faut bien reconnaître que les éléments qui défilaient bronzés et torses nus en chantant pour se rendre à la plage, avaient une autre allure que les malheureux débris de ce qui avait été la première armée du monde dont nous avions récupérés certains éléments désarmés et affamés, rescapés d’un exode où s’était mêlés militaires et civils dans une indescriptible cohue.

Pour nous la « drôle de guerre » avait pris fin, commençait la guerre tout court, celle que nous allions vivre durant quatre longues années dans un Paris occupé et soumis à de cruelles privations de tout ordre. Il nous fallut d’abord rejoindre notre mère réfugiée  à Villeneuve sur Lot, avec laquelle nous quittâmes la zone dite libre pour retrouver la Capitale où une scolarité fort différente de ce que nous avions connu sous les pins de l’École Pasteur nous attendait.    

Nous en resterons donc là,  avec le rituel : "À bientôt sur nos lignes ! "

Vôtre Captain Clo

(i) NRF 1982

15 mars 2016

L'École Pasteur, suite et fin.

   Je reprends donc mon récit après l'atterrissage réussi de Monique, ma sœur.

    Si la pratique religieuse était bien le cadre moral essentiel de la vie à Pasteur, cela ne faisait pas pour autant de l'école un monastère, les heures de cours y alternant naturellement avec les loisirs. Ceux-ci consistaient, en dehors des séances de gymnastique, des récréations et des jeux dans les vastes jardins de la Villa Faust, en promenades dans la proche forêt de pins ou sur les plages du Bassin selon la saison. Nos préférences allaient évidemment à la baignade, celle-ci prise en été sur une petite plage accessible en quelques minutes par un chemin escarpé qui se dévalait depuis les jardins du Casino Mauresque jusqu'à la jetée Legalais, aujourd'hui détruite. Ceci en fin d'après-midi, dès la fin des cours à 16 heures 30. Une autre promenade très appréciée était celle qui consistait à traverser le Bassin avec le Courrier du Cap*, pittoresque petit vapeur assurant la desserte des villages de la presqu'ile, Bélisaire, Le Canon, l'Herbe, La Villa Algérienne, Piraillant et Le Picquey. On embarquait à la Jetée Thiers pour débarquer à Bélisaire d'où l'on prenait un petit train qui nous conduisait en bringueballant jusqu'à l'Océan et ses grosses vagues déferlantes. Tout cela évidemment sous l'étroite surveillance de Tante Jeannette. Ces expéditions étaient en général l'occasion d'un pique-nique sur la plage.

* Le Courrier du Cap
LE_COURRIER_DU_CAP

   L'année scolaire se déroulait d'Octobre à fin Juin, ponctuée par ces évènements qui jalonnent l'enfance, progression d'une classe à l'autre, vacances Pascales ou de fin d'année. Mais il est certain que l'évènement le plus marquant de l'année, à l'École Pasteur était toujours sans conteste, la distribution des Prix. Cette cérémonie marquait la fin de l'année scolaire. Je conserve surtout en mémoire celle de 1938. Comme d'usage la remise des prix avait eu lieu le matin dans la grande salle du 1er étage. Mlle Suzanne Boursin présidant, entourée des professeurs. On répondait à l'appel de son nom pour entendre les notes reçues et venir chercher le prix éventuellement décerné. Je conserve précieusement un bel ouvrage de photos prises dans le massif du Mont Blanc, dont l'une créditée à mon Oncle Guy, reçu à cette occasion sans pour autant savoir dans quelle discipline je m'étais distingué. C'est surtout l'après-midi de cette belle journée qui me laisse le plus fort souvenir. En effet c'est dans le jardin situé derrière la villa où avait été dressé un théâtre de verdure, que furent données des représentations auxquelles nous participâmes avec enthousiasme. La petite classe se vit confiée la tâche d'interpréter une  variante de L'Oiseau Bleu, féerie de Maurice Maeterlinck très en vogue à l'époque. Tandis qu'une Fée Sucette nous racontait un conte, je jouais un oiseau bleu avec d'autres condisciples déguisés en volatiles divers. Mais le clou du spectacle suivit ce hors-d'œuvre enfantin : une représentation des "Femmes Savantes", comédie de Molière, interprétée en costumes d'époque par les élèves des classes terminales. C'était gonflé et parfaitement réussi à tous égards. Je ne sais malheureusement ce que sont devenues les belles photos de scène prises par Mouls le photographe attitré de l'Ecole Pasteur. Je sais que ma Grand-Mère Victoire Labour en possédait mais je ne les ai jamais revues depuis la vente du "55".

   Mes souvenirs de notre quotidien à Arcachon sont forcément plus nets vers la fin des années 30. Certains événements  sont ainsi bien inscrits dans mon souvenir tels que les visites de notre Père profitant d'une escale à Bordeaux pour venir embrasser ses "petits crabes". C'était l'occasion d'aller s'empiffrer de pâtisseries chez Foulon et de découvrir les jouets apportés par ce Papa mythique. Lors d'une autre escale à Bordeaux du Fort de Troyon, le cargo des Chargeurs Réunis dont il était le second capitaine, nous passâmes une nuit à bord dans sa couchette. Nous fumes très impressionnés par le tiroir situé en dessous, lequel, aux dire de mon farceur de Père, pouvait s'ouvrir sur un coup de roulis pour y recevoir le malheureux occupant précipité de sa bannette ! J'ai le souvenir du bruit des treuils des mâts de charge fonctionnant toute la nuit pour vider les cales du cargo. Je revois aussi des mulets embarqués avec ces mâts de charge et déposés sur le pont, pour quelle destination ? Le long de ce même quai des Quinconces, alors affecté aux navires des Chargeurs Réunis, était amarré le Massilia, beau paquebot rendu célèbre par un épisode de juin 1940, quand y embarquèrent des hommes politiques, dont Pierre Mendes-France, souhaitant fuir l'arrivée des troupes allemandes pour établir un gouvernement en Afrique du Nord, ce que l'évolution rapide de l'Histoire et la prise du pouvoir par Pétain ne permit pas.

    Ayant atteint l'âge dit de raison, 7 ans, ce fut la première communion, préparée comme de juste par un conditionnement adéquat, et qui se déroula sous les lambris enfumés et les ex-voto noircis de la Chapelle des Marins. Cette annexe historique de l'église d'Arcachon, laquelle n'avait pas encore été promue au rang de basilique lors d'une visite pontificale, était encore "dans son jus" avant qu'un curé trop soucieux des apparences ne la vide de ses ex-votos jugés sans doute plus pittoresques que vraiment chrétiens tout en lui faisant subir un ravalement désastreux. J'ai revue ma petite Chapelle dans les années 80 qui ressemblait, ainsi maquillée, au boudoir de la Pompadour !

  Cette époque  placée, en ce qui me concerne, sous le signe de la piété fut aussi pour moi l'occasion de fréquenter la sacristie, les vêtements sacerdotaux et les accessoires du rituel liturgique en temps qu'enfant de chœur. C'est en tremblant qu'il me fallut, au cours de la messe, prendre le pesant évangéliaire sur l'autel, en descendre les degrés pour le porter de l'autre côté, ceci sans me prendre les pieds dans la soutane ni m'effondrer avec l'auguste charge. Ceci sous le regard des fidèles selon le rituel de l'époque. Quelle angoisse pour ce petit bonhomme ! Dans cet accoutrement je préférais l'emploi de thuriféraire qui me permettait de balancer l'encensoir avec une posture avantageuse. Il ne m'est resté que peu de chose de cette préparation à la vie dévote, hormis ces quelques souvenirs pittoresques.

   Bien entendu je fus embrigadé dans le mouvement Scout comme "louveteau" avec mon inséparable petit copain Claude Agnus. Ce pauvre ami, disparu il y a une dizaine d'années, avait conservé une étonnante mémoire des noms. Quand je l'ai retrouvé avant sa mort, bien que physiquement diminué il ne manquait pas de me citer des noms de nos condisciples de l'époque, garçons et filles que j'avais perdus de vue depuis fort longtemps. Il évoquait d'ailleurs toujours Monique avec entrain comme si nous venions de batifoler la veille dans le jardin de la Villa Faust...

   Mais l'ombre de la guerre avait toujours plané sur la vie de l'École Pasteur, comme sur la France de cette époque encore marquée par l'affreuse tuerie de 14/18. Les commémorations périodiques de ces évènements étaient autant d'occasion d'en évoquer le souvenir si proche pour ceux de la génération prédédente. On nous lisait alors Les Croix de Bois de Dorgeles ou d'autre textes se rapportant à la Grande Guerre.

   Les dernières années de notre enfance arcachonnaise furent aussi les dernières de la paix. Nous avions passées les vacances d'été de 1938 avec nos Grands Parents Courtois au Château de La Planchette, que la famille avait loué pour l'été. Outre Bon Papa François et Bonne Maman Angèle il y avait Tatie (Yvonne) qui y rencontra Peter un beau et grand jeune hollandais qui allait devenir son mari ainsi que notre oncle René (Tonton). Dernière période heureuse de notre famille réunie avant les longues et douloureuses séparations de la guerre.

   Déjà d'inquiétants nuages venaient encombrer le ciel et quand une mobilisation fut annoncée au moment des premières menaces sur la paix, tandis qu'un énergumène vomissait ses imprécations à Nuremberg, et que la "Défense Passive" devenait le sport des Parisiens, notre Grand-Père jugea prudent de nous renvoyer à La Planchette en attendant l'évolution des évènements. Ce ne fut qu'une première alerte et les "Accords de Munich" (Peace for our century!) remirent à plus tard le début des réjouissances.

   Nous étions en vacances en septembre 1939, au pied du Mon-Salève proche de la frontière Suisse, avec notre mère, quand la guerre fut effectivement déclarée. Je me souviens de notre retour en train vers Paris, des gares baignées par les lumières bleu de la "Défense Passive" et des nombreuses immobilisations pour laisser passer les convois militaires. C'était parti pour 5 longues années.

   Puis retour à Arcachon pour une nouvelle, et dernière, année studieuse avec Monique. Ce fut pour moi une année vélo. J'avais appris à pédaler durant les vacances passées à Julouville en 1937 avec notre Père, les premières. Dès que je pouvais me faire prêter une bécane j'allais me faire les mollets dans les rues calmes environnant la villa Faust. D'autre part le climat avait changé à Pasteur : les bouleversements de l'Europe et les menaces venant d'Outre-Rhin avaient amené une affluence d'élèves venant des régions septentrionales pour mettre une prudente distance avec les frontières de l'Est. Ces circonstances avaient amenées les Dames Boursin à augmenter leurs capacités d'accueil,  d'abord en agrandissant l'établissement par la location de Siébel, belle villa voisine de Faust puis en accroissant le personnel enseignant.

    C'est en faisant du vélo dans les jardins du Casino Mauresque que j'ai vu les premiers uniformes "feldgrau". C'était une voiture de commandement entourée d'officiers de la Wermarch consultant une carte, accompagnés de motocyclistes casqués. J'aurais des années pour m'y habituer... Un peu ému, je rentrais à toutes pédales à l'école, fermée depuis queiques jours, pour annoncer l'arrivée des envahisseurs. Je me souviens de Gamé s'écriant : "les Prussiens sont là !". Ils ne manquaient que les cuirassiers de Reischoffen... Tante Suzanne, très maîtresse d'elle, ordonna que l'on ferme les grilles et que nous montions dans nos chambres.

   Je vous raconterai une autre fois ce que furent ces premières semaines "occupées". Arcachon se situant désormais en "zône occupée" comme toute la frange côtière jusqu'à la frontière Espagnole, nous nous trouvions séparés de nos parents qui après avoir quitté Paris avec l'exode s'étaient retrouvés non sans mal à Villeneuve sur Lot. C'est confiés à une forte poissonnière de La Hume, qui avait un "ausweiss" lui permettant de passer la "frontière" pour aller vendre son poisson à Villeneuve,  que nous quittâmes l'École Pasteur pour retrouver notre mère et nos grands parents Courtois.

  À bientôt sur nos lignes.

  Captain Clo

20 février 2016

L'École Pasteur : Suite, arrivée de Monique

  

Monique

  Bonjour à mes aimables lecteurs que je veux ici remercier pour leurs sympathiques commentaires comme pour leur indulgence. Je vais essayer de n'en point trop abuser en donnant suite à ces vaticinations mémorielles.

   Le décor étant planté, les lecteurs vont pouvoir suivre les acteurs de ce théâtre d'ombres au fur et à mesure de leur entrée en scène. L'année scolaire 1935 s'acheva par la rituelle cérémonie de la distribution des prix. Fut-ce celle particulièrement spectaculaire, organisée dans les salons du Grand Hôtel, et présidée par l'écrivain André Maurois dont les deux fils étaient élèves à Pasteur ? Je me souviens d'Olivier qui m'avait pris en affection et avoir conservé longtemps la petite peluche dont il me fit cadeau. Je n'avais, Dieu merci, pas concouru à la rituelle épreuve du piano, mes performances se limitant encore à une exécution laborieuse de la "Méthode Rose". Enfin vive les vacances, les Grandes : à l'époque elles duraient 3 mois permettant aux petits paysans de participer aux moissons. Ne participant à aucune moisson, surtout de lauriers, c'est des saines joies de la vie de famille que j'allais profiter.

   Je fus donc confié à une jeune et jolie personne, épouse du champion cycliste Antonin Magne, fils des fournisseurs de charbon de l'école, avec laquelle je pris le train (wagons en bois et traction à vapeur !) pour Paris, Gare d'Orsay, où m'attendaient les tendres bras de ma maman !

   Je n'ai aucun souvenir de Monique durant cette période estivale, sans doute était-elle toujours au Préventorium de St Georges Motel, dont il semble qu'elle ne soit sortie que pour me rejoindre à Arcachon au cours de l'année scolaire suivante. Les notes de ma mère ne donnent aucune information à ce sujet. Je dus certainement être beaucoup dispaché dans la famille, d'abord chez mes grands-parents Labour à St Mandé, où Tante Berthe allait me gâter de chocolat et de délicieuses tartines grillées beurrées au lit le matin (autre chose que le porridge de Pasteur) comme de ces bonbons à la menthe dont l'évocation me met encore l'eau à la bouche !

Chamonix 1935 J'ai aussi passé un certain temps à Chamonix,  aux "Cygognes", le chalet des Jean Labour. Tante Yvonne, ma marraine, y veillait sur moi tandis que je batifolais dans l'herbe fraîche de la clairière, face aux aiguilles du massif du Mont Blanc, jouant avec mes grands cousins Yves et Jacques. Ce séjour fut heureusement moins mouvementé que le précédent, durant cet été 34 où nous vécûmes dans l'angoisse des recherches de mon oncle Guy, disparu lors d'une course en montagne. Comme on le sait il fut retrouvé in extremis au bout de six jours, dans une crevasse et en fort mauvais état, mais sauf, contre tout espoir.

  L'été comme les meilleurs choses ayant une fin,  quand sonna l'heure de la rentrée il me fallut réintégrer  l'École Pasteur pour y retrouver,  outre mes petits camarades,  la pratique religieuse assidue et la scolarité quelque peu relâchées les derniers temps.  Mais un évènement majeur allait ensoleiller  l'automne : l'arrivée de ma sœur, Monique,  enfin rescapée du préventorium,  en pleine forme et bronzée,  qui fut accueillie avec enthousiasme par ma petite bande de galopins, les Claude Agnus et consort.

  Monique,  fut d'abord un peu effarouchée par les démonstrations d'intéret  de ces nouveaux compagnons de jeux qu'elle considérait avec inquiétude de ses grands yeux étonnés.  Elle devait sans doute être bien brunie pour avoir d'emblée été surnommée "pruneau" !

  Ma petite sœur fut vite intégrée à ce phalanstère d'enfants gâtés, se pliant, par ailleurs naturellement aux pratiques religieuses de l'établissement. Si l'on y priait avec ferveur et selon le rituel,  c'était sans bigoterie me semble-t-il et Monique  demeura toute son existence fidèle à cette éducation, contrairement à son frère aîné.

  Je vous raconterai  ce que fut notre vie à l'École Pasteur,  jusqu'à la guerre et l'arrivée des troupes Allemandes sur les rives enchantées du Bassin d'Arcachon.

  À bientôt sur nos lignes.

  Captain Clo

 Nota: Les photos en tête de l'article montrent , dans l'ordre, Monique à 2 ans sur le perron du "55" à St Mandé, ensuite au préventorium de St Georges-Motel, enfin dans le jardin de l'École Pasteur.

 

 

17 février 2016

L'École Pasteur : Suite

Ecole Pasteur_cloclo_Maman

  Nous revoilà à Pasteur où, fraîchement débarqué, je cherche mes marques. On commencera par l'entre-sol où se situe l'accès commun aux élèves, le vestiaire et les casiers à chaussures situés au pied de l'escalier de la tour par laquelle on monte aux étages, aux salles de classes et aux dortoirs. À ce niveau se trouve aussi la cuisine, immense, où règne une robuste personne, la cuisinière, sous le contrôle de Gamé, puis la buanderie. Enfin par un sombre couloir on accède à la chaufferie dotée d'un impressionnant calorifère assurant, outre le chauffage de l'établissement, la fourniture de l'eau chaude. Le combustible, charbon, est stocké dans une soute adjacente au pied d'un soupirail. Le même chemin aboutit à une vaste pièce donnant sur le jardin, tout à la fois magasin aux denrées, celui-ci aménagé dans l'ancien ascenseur hydraulique réformé, et salle à manger des élèves. Dans le même couloir, en face de la chaufferie, se trouve une petite chambre ouvrant sur le jardin, contigüe à la buanderie. Y logea longtemps Mlle Marguerite-Marie qui m'enseigna la littérature française. Une aimable personne fort dévote et très liée d'amitié à Tante Suzanne.

  Mais revenons à la descriptions des lieux, sans omettre le pittoresque monte-charge grâce auquel les plats circulaient de la cuisine à l'office au premier étage. C'est justement au premier étage que nous arrivons par l'escalier de la tour. Nous dirons que c'est l'étage noble  avec tout d'abord un "parloir" lourdement décoré, sans doute par les anciens propriétaires, qui ouvre sur un perron desservant le vaste escalier en pierre puis sur de grandes salles. L'une donnant au Sud, côté Allée Faust, une autre au Nord débouchant sur une large passerelle en bois reliant la façade à la colline arborée sur laquelle est adossée la Villa. À l'Ouest et perpendiculairement, une autre salle  faisant office de salle à manger communiquait avec l'office et son fameux monte-charges. Cet étage est véritablement le centre actif de l'École Pasteur : outre les cours, y ont lieu les prières collectives, les fêtes, les remises des prix. Il me revient même y avoir vu des séances de gymnastique "rythmique" dirigées par une dame, une russe nommée Vera dotée d'un accent redoutable au sujet de laquelle circulaient des histoires troublantes concernant son passé dans la garde du Tsar ! Bon, mais quittons pour l'instant cet étage prestigieux pour reprendre l'ascension de la tour dont l'escaier va nous conduire au second où se  trouvent les appartements de M. et Mme Boursin  et de Tante Suzanne. À cet étage, outre la salle de bains et les toilettes on trouve le salon de musique qui sert de bureau à Mlle Boursin et diverses chambres-dortoirs. Poursuivons dans la tour pour arriver au dernier étage. c'est ici que je serai logé, tout d'abord, dans la chambre de Tante Jeannette où me fut installé un petit lit. D'autres pièces encore à ce niveau, dont une salle de classe où je vais beaucoup travaillé. Du dernier étage de l'escalier on accédait enfin par une poivrière au sommet de la tour, plate-forme crénelée d'où la vue plongeait sur la ville d'Hiver !

 

  Toutes ces précisions permettent de comprendre que cette demeure, pour ancienne qu'elle fut, n'en disposait pas moins d'aménagements fort modernes à l'époque. L'explication tient à l'origine de sa construction conçue au XlXe siècle pour une riche famille Anglaise, dont une personne semble-t-il très handicapée requérait ces moyens exceptionnels. Ces circonstances permettaient donc à l'École Pasteur de fonctionner dans la Villa Faust avec des conditions de confort appréciables. D'où les tarifs... appréciables aussi.

  Je raconte tout cela pour vous faire respirer l'atmosphère dans laquelle je me suis retrouvé. De cette première année je ne conserve bien sûr que des souvenirs diffus, des images, des sensations,  des odeurs. On se réveillait de bonne heure, toilette, petit déjeuner (porridge !), prière commune puis classe enfantine, sans doute un jardin d'enfant. J'y ai rencontré celui qui devait m'accompagner toutes ces années et fut mon premier compagnon de jeunesse : Claude Agnus. Nous étions  "les Claudes",  mais j'y reviendrai.

  Cette année fut certainement celle de ma coqueluche, épisode médical assez chaud puisque je me souviens d'avoir été isolé, le temps de cette crise, à la Villa Bougainville, annexe de l'école surtout consacrée aux garçons. Alerte sans doute assez sérieuse aussi pour que ma marraine Yvonne Labour vienne de Paris veiller sur moi jusqu'à mon rétablissement.

Mais il se fait tard et je vais devoir vous quitter maintenant pour tenter de rassembler ce qui subsiste de ces lointains souvenirs  dans les bras de Morphée.

À bientôt sur nos lignes.

Captain Clo

 

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11 février 2016

L'École Pasteur : une enfance pieuse à Arcachon

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 Claude_Arcachon   

Ô combien pieuse en effet fut cette enfance passée sous la férule des dames Boursin et à l'ombre des pins ombrageant le vaste jardin de la Villa Faust. C'est dans cette imposante demeure construite dans un style baroque néo-gothique caractéristique des années 1870/80,  qui s'élevait majestueusement à l'orée de la Ville d'Hiver en face du Casino "Mauresque" aujourd'hui disparu, que les Dames Boursin avaient ouvert l'École Pasteur. Des images judicieusement insérées en marge par Sophie, ma précieuse assistante,  en illustreront l'évocation.

  Cependant que notre mère, repliée chez ses parents, s'était courageusement mise à la sténographie et à la dactylographie pour assurer la subsistance de sa couvée en pratiquant le secrétariat commercial, notre père, suite au fiasco de son entreprise de fabrication de matériels radiophoniques, avait bravement repris la mer d'abord puis ses études de marine marchande ensuite.

  Tandis que ma petite sœur Monique devait être placée au Préventorium St Georges, la Fondation Consuelo-Balsan, dès l'âge de 4 ans pour y soigner un problème osseux affectant ses genoux, j'étais en 1935 confié aux Dames Boursin qui me reçurent comme pensionnaire dans la petite classe de l'École Pasteur, j'avais 5 ans.

   Madeleine Boursin, "Gamé", belle-sœur de Victoire Labour, ma grand-mère paternelle, gérait avec son époux, "Gapè" le frère de cette dernière, l'administration et l'économat de l'institution tandis que ses deux filles Suzanne et Jeannette assuraient la scolarité. Les demoiselles Boursin étant de fait les cousines germaines de notre père et donc nos cousines, il fut convenu compte tenu de la différence d'âge et pour marquer la distance par rapport aux autres élèves de l'école que nous les appellerions "tante" Suzanne et "tante" Jeannette. Le pli en fut ainsi pris que Monique et moi conservâmes plus tard et ce j'usqu'à la fin de leur existence.

   La famille Boursin, originaire d'Aubertans en Haute-Saône, avait, après la grande guerre,  quitté ce rude climat attirée par la réputation dont jouissait alors Arcachon, vanté pour la salubrité de son air associant la forêt landaise au souffle tonique du Bassin. Les parents de Jeannette pensèrent que le climat d'Arcachon conviendrait à celle-ci, d'une santé fragile. Suzanne quant à elle après être entrée au Carmel et sa prise de voile, n'avait pas supporté les rigueurs de la règle et dut être relevée de ses vœux pour revenir à la vie laïque. Je garde le souvenir de Tante Suzanne à cette époque, encore coiffée d'un voile bleu vestige de cet épisode mystique.

Cloclo_pasteur   Suzanne, directrice des études avait imprimé à l'institution un caractère résolument chrétien affirmé sans ambiguïté dans les programmes tel qu'il apparaît sur les prospectus présentant les conditions d'admission, les méthodes pédagogiques, les horaires ainsi que les tarifs pratiqués à l'École Pasteur. J'imagine que notre qualité de proches parents nous valurent de bénéficier de conditions particulières, car les miens n'auraient sans doute pas eu les moyens de nous payer l'internat de cet établissement fréquenté par les rejetons de la meilleure société, Bordelaise en particulier. Ceci explique peut-être aussi une rigueur particulière à l'égard du petit cousin censé sans doute faire preuve d'un comportement exemplaire. Je crains que le digne fils de Jacques le rebelle n'ait très tôt déçu ces attentes.

  Je ne conserve évidemment que des souvenirs imprécis de ces premiers moments de mon existence au pensionnat. Sans vouloir dramatiser, je suppose que le poussin enlevé à sa couveuse dut ressentir une angoisse bien légitime, perdu dans cette immense domaine plein d'ombres et de prescriptions sévères. C'est sous l'aile protectrice de Jeannette, Tante Jeannette, que j'ai trouvé de la douceur maternelle et un abri contre les remontrances peu amènes de Gamé. Celle-ci s'etait tout de suite attachée à faire rentrer dans le rang ce petit parisien bavard et "raisonneur" qui avait sans doute trop tendance à raconter sa vie, avec cet accent "parigot" si vulgaire. Surtout que le marmot avait de la réplique, trop, balançant après une admonestation vexante de Gamé un : "ma Maman elle est jolie, Elle !" sans appel.

  Nous nous retrouverons très prochainement pour la suite de cette chronique enfantine avec l'arrivée de Monique venue me rejoindre à l'École Pasteur l'année suivante.

À bientôt sur nos lignes.

Captain Clo

 

 

 

 

 

9 février 2016

Tonton, suite et fin.

Bonjour à tous et à toutes qui me retrouvent après une trop longue interruption de ce blog. Mais une nouvelle année était tombée sur mes épaules de vieux solitaire, qui fut encore très occupé par la recherche d'un gite d'où il puisse au moins contempler le ciel et la mer, ces deux éléments toujours indissociables de sa longue existence. Me voilà donc enfin perché dans ce "nid de pie",  au 5e étage d'un immeuble  d'où je peux suivre les mouvements du port d'Arcachon ; ce soir c'est: "Avis de grand frais avec 30/35 nœuds de Suroit, pression 1003 HP en baisse et  coef de marée 104 ",  bref un temps à rester au sec,  à noircir du papier, même (accent circonflexe) virtuel !

C'est pour céder enfin aux pressantes objurgations de ma chère nièce Sophie que je reprend ici ma virtuelle plume pour apporter quelques compléments au récit des événements vécus par mon oncle René Courtois, Tonton, au cours de sa guerre au sein des FNFL, les Forces navales Françaises Libres.

Je veux d'abord saluer et remercier ici un lecteur et commentateur, signant "apere", du précédent article sur Tonton, pour avoir très justement relevé et signalé mon erreur situant en 1965 son départ en retraite. Il fallait lire 1970.

Nous avions quitté René Courtois  évacué du Havre avec son groupe d'élèves officiers  avant l'arrivée des Allemands pour atterrir à Portsmouth où ils furent d'abord "casernés" à bord du vieux cuirassé Courbet, d'abord "saisi" par la Royal Navy avant d'être le berceau des FNFL.

Ce vénérable et valeureux vaisseau servit à la fois de dépôt et de batterie antiaérienne pendant la bataille d'Angleterre, cinq avions allemands furent abattus, mais le cuirassé ne fut jamais atteint par les bombes, (in Historique des Forces Navales Françaises Libres, TOME 2 ). Il acheva glorieusement sa carrière  désarmé et échoué comme brise -lames,  devant la plage d'Hermanville  le 9 juin 1944 .

En juillet 1940 René réarme le patrouilleur Viking comme officier en second. Je cite l'Historique des FNFL, p. 514 :"(Viking) Chalutier de Fécamp, réquisitionné en 1939. Puissamment armé: un canon de 100, quatre 75, deux de 37, deux hispano. Scheernes, mai 1940, saisi RN 3 juillet 1940, réarmé FNFL. Troisième bâtiment FNFL à reprendre la mer. Atlantique Nord, Atlantique Sud, convois AEF, Afrique du Sud réparations, Levant, premier navire FNFL en Méditerranée, Alexandrie, Tobrouk, Inshore Squadron, torpillé et coulé le 16 avril 1942 devant Saîda par le U-81.../...On déplorait sur le Viking: 41 disparus et 24 rescapés ".

“...Il (Tonton) quittera ce bâtiment en train de couler,  une minute après son torpillage à 21 heures sur les côtes du Levant . Il partira à la nage chercher du secours". Fin de citation.

Il avait laissé 16 rescapés sur un radeau, partant à la nage dans la nuit accompagné par un volontaire qui ne put le suivre jusqu'au bout et qui se laissera couler épuisé, sans un mot. Il fut recueilli le lendemain sur une plage, après 8 heures de nage, par des garde-côtes qui manquèrent  lui tirer dessus, avant d'alerter les secours qui récupéreront les survivants. Ceux-ci avaient réussi à échapper au sous-marin nazi quand celui-ci avait fait surface après le torpillage. Pour mémoire on notera que le U-81 sera lui-même coulé le 9 janvier 1944.

D'abord hospitalisé à Beyrouth, où il reçut la visite de la Générale Catroux, une solide ancienne infirmière qui n'hésita pas à lui passer la cuvette dans laquelle il vomit le mazout qu'il n'avait pas encore éliminé.

Rentré par avion en Angleterre après une période de repos, il fut affecté à la 23e flottille  de MTB (Motor Torpedo Boat) où il commanda la MTB 90 d'octobre 1942 à octobre 1945.

Missions des MTB (Op cité) :" Ces unités étaient  destinées principalement à jouer un rôle offensif, c'est-à-dire intercepter et attaquer les convois ennemis passant par la Manche et la mer du Nord."..."Les MTB françaises ont opéré, pour la quasi totalité de leurs activités, en Manche occidentale, d'Ouessant au Cotentin"..."Appareillant en début de soirée, elles entamaient leur patrouille peu après la nuit tombée. Souvent stoppées, à l'affut, ou patrouillant à vitesse réduite sur silencieux, elles attendaient leur proie , prêtes à bondir. Missions souvent infructueuses, mais aussi engagements et actions d'éclat, dérobements à 40 nœuds et toujours retour à la base à l'aube après une longue nuit  sur le qui-vive et sans sommeil...." Fin de citation.

Résultats globaux (Op cité) :" ...résultats remarquables obtenus,...(ce) qui a permis à cette flottille d'être une des plus actives et des plus éfficaces d'Angleterre. La 23e Flottille a effectué 451 sorties en 128 opérations de guerre, a livré 15 combats à l'ennemi; a coulé 5 bâtiments allemands totalisant 7 200 tonnes" .

Les MTB française terminèrent la guerre par des opérations de patrouille depuis Brest en attendant la fin des hostilités surtout consacrées à des représentations  (on put les admirer et les applaudir à Paris près du pont de la Concorde ). Je les ai moi-même vu manœuvrer en rade de Brest durant l'été 45, ce fut leur chant du cygne, ces bâtiments  très fatigués  furent désarmés et rétrocédés à la Royal Navy.

Voici, comme promis , l'évocation des exploits maritimes de Tonton. Il nous était revenu décoré, auréolé de sa gloire mais ne se retrouva pas vraiment dans son élément dans le cadre régulier de la "royale" normalisée qu'il quitta en1950 après divers embarquements dont une campagne en Indochine sur le croiseur Gloire. Il était affecté à l'École des Mousses de Bertaume (!) quand qu'il quitta la Royale. Comme beaucoup d'anciens de la "France Libre" il n'y avait pas trouvé  ses marques.

Il réintegra donc naturellement son "corps d'origine", la Marchande,  après quelques tâtonnements, en trouvant à embarquer comme second puis  "pacha" à la Cie des Chargeurs Réunis. Il quitta ce vieil armement quand celui-ci, comme presque tout l'armement tricolore,  amena ses couleurs pour réinvestir dans la Finance, laissant la place aux pavillons dits de complaisance , ceux qui permettent d'embarquer des équipages plus complaisants sinon plus ...qualifiés. Low coast quoi!

Voilà pour ce soir, j'entend la piaule qui souffle sur ma passerelle, c'est l'heure d'aller boire mon scotch du soir à la mémoire de Tonton.

A bientôt sur nos lignes.

Captain Clo

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1 mai 2014

Mon été 44.

C'est avec beaucoup d'émotion que j'ai regardé le formidable documentaire Été 44 réalisé par Patrick Rotman et  diffusé hier soir sur FR3.

Cet été 44, j'allais avoir 14 ans, demeure dans mon cœur et ma mémoire comme marqué par les émotions et les péripéties vécues et partagées avec  ma mère, ma sœur Monique et mes grands parents François et Angèle Courtois,  chez qui nous avions vécues les 4 années de l'occupation allemande à Paris.

L'émotion ressentie à cette évocation souvent poignante mais toujours étonnamment vivante des évènements de cette époque tumultueuse me conduit à tenter d'en restituer le souvenir anecdotique, tant que l'âge m'en laisse les moyens et que ma mémoire ne me fait pas encore défaut.

Je crois répondre ainsi aux demandes réitérées de ceux et celles qui m'ont lancé dans l'aventure de ce Blog en espérant ne pas les décevoir. Il est bien évident que ces évocations ne  sauraient dépasser  le cadre modeste de l'univers familial dans lequel ces souvenirs se situent et qu'ils ne sont que le reflet subjectif du vécu de l'auteur.

Pour bien situer le décor je rappelle que l'armistice de 1940 qui mit fin, en France, aux hostilités avec l'Allemagne nazie nous trouva, ma sœur et moi à Arcachon où nous étions pensionnaires  de l'École Pasteur, établissement tenu par les demoiselles Boursin, des cousines de notre Père. Notre mère qui travaillait au secrétariat du ministère du Blocus (!) vivait chez ses parents, François et Angèle Courtois dans leur appartement parisien de la rue de Trévise situé dans le 9e arrondissement, à proximité des Folies Bergères. Quant à mon père, Capitaine au Long Cours, il continuait d'assurer se fonctions d'officier en second du S/S Fort de Troyon de la compagnie des Chargeurs Réunis ,  mobilisé sur place comme officier de réserve. L'armistice le trouva faisant escale à Douala sur la côte d'Afrique. Notre oncle René Courtois, fils de nos grands parents et frère cadet de notre mère,  accomplissait alors son service dans la marine (il avait suivi les cours de Lieutenant au Long Cours à l'école d'Hydrographie de Paimpol) quand l'approche des forces ennemies vint interrompre la formation de "Chef de Quart" (cours d'officier de réserve)qu'il suivait au Hâvre. On les fit embarquer en urgence sur un rafiot de servitude qui les transborda en Angleterre hors de portée des Panzer Divizion. Il était donc à Portsmouth quand fut proclamée l'Armistice, cette occurrence lui épargnant les affres d'un choix incertain.

L'été de 1944 commença pour moi avec le troisième et dernier trimestre de l'année scolaire vécue dans un collège assez lugubre de Passy où je fus successivement interne puis demi- pensionnaire . Libéré de la vie de caserne il me fallut alors prendre le métro tous les matins pour rejoindre mon école à l'autre bout de Paris,  ce qui n'allait pas sans aléas les alertes  interrompant  de plus en plus fréquemment le trafic. Ce fut pour moi l'occasion de parcourir à pied les voies souterraines  du Métropolitain car lors de l'immobilisation des rames on  pouvait quitter les voitures pour marcher sur le ballast d'une station à l'autre.  Une fois rendu au "bahut",  les cours y étaient également  souvent perturbés par les alertes aériennes qui nous envoyaient poursuivre nos études dans les caves du saint établissement à la lumière des bougies et parmi les réserves de pommes de terre et de charbon de l'économat.

Ceci avait pour les élèves le mérite de rompre avec la rigueur du régime scolaire et je n'ai d'ailleurs pas que de mauvais souvenir de cette période, le printemps puis l'été apportant enfin chaleur et lumière rendaient moins cruelles les privations de plus en plus lourdes principalement au plan alimentaire. Après le charbon ce furent les coupures de courant et de gaz  qui vinrent s'ajouter aux nombreuses difficultés quotidiennes auxquelles devaient faire face les familles. Nos mère et grand-mère accomplissaient des prouesses d'imagination pour nous faire vivre avec les pauvres moyens du bord. Cela se traduisait par des heures de queue à la porte des magasins ou par des expéditions en vélo pour notre mère en proche Normandie afin d'en rapporter quelques vivres indispensables dont le beurre  devenu si rare .

Mais  ce qui, dans ma mémoire, donne la tonalité de cette période c'est d'abord la tension de plus en plus forte due à l'attente des évènements imminents qui allaient sonner pour nous le tournant de cette guerre interminable. Le débarquement des forces alliées, tant attendu et tant annoncé  était l'espérance  majeure: avec le débarquement ce serait la fin de l'oppression, la fin des restrictions (manger était de venu un fantasme obsessionnel!)  mais surtout il signifierait le retour de ceux qui avaient continuer la lutte sur mer et dont nous étions sans nouvelles, nos père et oncle enparticulier .

Tandis que les évènements se précipitaient sur les différents fronts de la guerre, suivis avec avidité par notre communauté familiale regroupée autour de la TSF qui délivrait le soir la voix de Londres et les "message personnels" de la BBC sur un fond de brouillage allemand, nous pointions  fébrilement sur une carte les reculs de l'ennemi sur les théâtres d'opération.

 Je me souviens d'avoir appris au collège, le matin du six juin, la nouvelle du débarquement. Transports de joie, émotion et sidération . S'ensuivit une période d'expectative inquiète tandis que se développait laborieusement la bataille de Normandie, après la consolidation difficile et couteuse des têtes de pont. Mon cousin Jacques Labour, engagé comme secouriste pour échapper au STO  (le Service du Travail Obligatoire en Allemagne ), y vécut  des moments difficiles, particulièrement durant la bataille de Caen si cruelle  et responsable de beaucoup de pertes dans la population civile.
 Mais Ils approchaient et de jour en jour nous nous apprêtions à entendre le bruit des chenillettes des chars libérateurs!  Les alertes aériennes de plus en plus fréquentes étaient  l'un des nombreux signes annonciateurs de la défaite allemande et c'est alors que l'année scolaire se terminait dans un certain désarroi que je vécu mon premier contact directe avec les combats quand, étant dans la cour principale du collège avec d'autres garçons, nous fumes survolés à très basse altitude par deux appareils, un ME109 allemand en feu poursuivi par un Lightning P38 américain qui   en le  mitraillant faisait pleuvoir les douilles de ses mitrailleuses lesquelles se répandirent autour de nous en sonnant sur les pavés. Celle que je m'empressait de ramasser, calibre 12,7,  allait constituer la première pièce d'une collection de souvenirs guerriers. 

 Dans le l'agenda de notre mère, à la page du 15 Août, après évocation de la messe de 11 heures à St Eugène où nous avons entendu les Petits Chanteurs à la Croix de Bois (!) , est indiqué : "Apprenons le débarquement des troupes Françaises et Alliées en Provence, puis:
__-Le métro est totalement stoppé.
    -Électricité seulement de 22h30à 24heures.
    -Maman achète 25 kgs de pommes de terre à 35 frs le kg."
Le lendemain 16 Août, elle note :" Suppression du gaz. Le gouvernement projette un plan de détresse (soupe populaire), les tomates se paient 120 frs le kg !
Le 17 Août: Les  Allemands s'enfuient de Paris .
22 Août: Les Alliés sont à Lisieux ; on se bat dans les faubourgs de Versailles.
23 Août : On se bat à Arpajon; à Paris les édifices publiques sont aux mains des FFI..
24 Août : une barricade a été élevée au carrefour de la rue Bleue, Claude et moi allons y  porter des sacs de sable " ( il s'agit des sacs de la défense passive qui étaient entassés à chaque étage des immeubles depuis le début de la guerre- ndla ).

   Je reprend la plume pour préciser qu'à l'insu de ma mère je suis retourné participer à l'édification de la barricade où il me fallut baisser précipitamment la tête sous une rafale de mitrailleuse tirée d'un véhicule allemand depuis la rue Lafayette pour sécuriser le repli des  nombreux convois boches  empruntant cette voie en direction du Nord -Est.  Je précise que depuis une semaine nous vivions quasiment en état de siège, sans ravitaillement ni gaz ni électricité pour cuisiner hormis quelques brèves périodes de la journée. Pour faire chauffer les aliments des bricoleurs de génie avaient imaginé un "tire gaz" qui parvient à suppléer au manque de pression dans les appareils !  On restait confinés chez soi, les rues étant dangereuses , les  patrouilles allemandes circulaient dans les quartiers en arrosant systématiquement à la mitraillette  pour y neutraliser toute activité hostile.  C'est ainsi que M. Louis, notre vieux crémier de la rue Geoffroy-Marie,  reçut une balle dans la tête quand il sortit imprudemment pour accrocher les volets de sa vitrine .

 (Agenda maternel) : "Vers 22h des cyclistes FFI sillonnent les rues annonçant l'arrivée des chars du Général Leclerc place de l'Hôtel de Ville.  Papa se met au piano et joue la Marseillaise. Il fait chaud, les fenêtres sont ouvertes, sans électricité avec seulement quelques "loupiotes" (?). Nos voisins M.et Mme Bouchet sont avec nous. Quand le piano se tait  les ovations des passants stationnés sur le trottoir  entrent par les fenêtres tandis que  carillonnent les cloches des églises de la Capitale.
De 22h à 2h du matin, canonnade nourrie de la place de la République et la Concorde…
25 Août :  Journée exceptionnellement, idéalement magnifique ce qui fait resplendir les couleurs tricolores décorant les fenêtres  à chaque étage des immeubles.
Nombreux coups de feu toute la journée, Chasse aux miliciens sur les toits.  Reddition des Allemands à 18h."

  Je reprend la main pour  ajouter un souvenir personnel : c'est pendant cette journée de fusillades anarchiques qu'une balle perdue est entrée par une fenêtre du salon pour s'aplatir sur le parquet tandis que ma sœur Monique , imperturbable, continuait sa lecture devant l'autre fenêtre; J'ai conservé également ce trophée.

( Agenda Jacqueline) " 26 Août, Nous voulons aller voir le Général de Gaulle sur les Champs Elysées. Claude, Monique et moi nous juchons sur les balustrades de la place de la Concorde tandis que Père et Mère vont vers le théâtre Marigny. Nous devinons le général.  Sitôt après son passage une fusillade éclate depuis le toit de l'Hôtel Crillon. Nous rampons et au bout d'un quart d'heure d'angoisse nous parvenons sur le Cours La Reine  à l'abri des parapets de la Seine où nous attendons la fin de cette lâche fusillade."

  Je reprend la main pour ajouter à la relation maternelle mes souvenirs personnels de cet épisode héroï-comique. En effet dès le début de cette fusillade dont  on n'a finalement  jamais identifiés les auteurs  supposés (miliciens jouant un dangereux baroud d'honneur), excités de la gâchette ( il y avait beaucoup d'armes en circulation et qui n'avaient pas toutes servies à libérer Paris ! ) , flics nerveux tiraillant au jugé  dans les arbres ou sur des toits selon des indications hasardeuses fournies par la foule ? Quant à moi je me souviens très nettement des minutes passée couché sur le granit ,  la tête plus ou moins  engagée entre les cuisses d'une grosse dame,  où je sentait vibrer le sol contre ma joue au rythme de la mitrailleuse lourde des  tirailleurs marocains qui à quelques mètres arrosait la façade du Crillon . Cette malheureuse façade fut particulièrement visée quand quelqu'un la désigna en hurlant: " c'est la 5e colonne!" ce qui déclencha le tir du tank- destroyer des fusiliers- marins en position à proximité lequel descendit la fameuse colonne d'un coup de 90 sans appel. Les débris de cet élément de la colonnade Gabriel écroulés sur une Simca 8 allemande, qui n'y résista pas, subsistèrent longtemps aux pieds du célèbre palace.

(Agenda Jacqueline) : "Nous nous retrouvâmes tous les cinq rue de Trévise, rompus de toutes les façons mais heureux d'avoir vécu cet après midi inoubliable(et d'avoir reçu le baptême du feu ! )".

 Les journées qui suivirent cette semaine glorieuse furent plus prosaïquement consacrées à la quête d'alimentation toujours problématique et les  généreuses distributions de shewing - gum par les GIs dont le caractère racoleur nous  rebutait un peu ,  ne pouvaient pas remplir le panier de nos ménagères . Enfin et surtout nous demeurions suspendues à l'attente de nouvelles de nos proches: notre père, notre oncle René ainsi que Tatie,  Yvonne notre tante  exilée avec sa petite fille aux Indes Néerlandaises envahies par les Japonais. A la date du 31 Août ma mère note enfin dans son agenda:" Recevons lettre émouvante de Jacques indemne, ainsi que René,  en France après opérations de débarquement. Lettre apportée complaisamment de Cherbourg. Selon les indications données je vais porter ma réponse au Cap.de Frégate Charrier de l'Etat-Major du Gal. Koenig aux Invalides.
 Le lendemain nous recevions la visite du chauffeur du Général de Gaulle nous apportant de la part de Jacques un colis de vivres:  explosions de joie et danse du scalp !…"

Mais la guerre était loin d'être terminée  qui ne permit pas à nos valeureux marins de venir nous embrasser aussi vite que nous le souhaitions tous. Notre père ne bénéficia enfin d'une permission assortie d'un transport vers Paris qu'en octobre  et  j'eu la surprise un matin , revenant d'une course , de le reconnaître marchant vers notre immeuble en portant deux lourdes valises, sa casquette de Lieutenant de Vaisseau  sur la tête. Je vous laisse le soin d'imaginer  l'ambiance qui régna ce jour là au second étage du 30 rue de Trévise…

Voici donc les  quelques souvenirs que j'ai voulu rassembler,  à votre intention,  de mon adolescence et de notre histoire familiale  qui s'inscrivit à son modeste niveau en surimpression  de celle vécue à la même époque par  la plupart de nos concitoyens. 

À bientôt sur nos lignes.

Claude Labour alias CaptainClo

10 août 2013

Adieu à Imogène

Adieu à Imogène

    Hier Imogène, mon joli bateau,  est parti sur une remorque vers la Méditerranée où il naviguera aux mains de son nouveau maître, mon ami Claude Nicaise qui me l'a racheté.

    Il aura été mon sixième et dernier bateau . Arrivé trop tard pour un "skipper" trop vieux et surtout éprouvé par la douloureuse perte de son équipière sans laquelle naviguer n'avait plus sens ni attrait, je ne pouvais plus que le regarder vieillir  tristement   dans le port d'Arcachon.

    Mon premier voilier, Margouillat, était un joli petit "Snipe",  fin régatier,  construit par mon Père à Pointe Noire en 1950 , j'avais alors 20 ans. Il me rejoignit ensuite à Port Gentil au Gabon où il me donna beaucoup de joies à tirer des bords entre la Pointe Clairette et l'estuaire de l'Ogoué.

    Il fut suivit bien des années plus tard, ayant enfin acquis, avec la maturité et une situation "assise", les moyens adéquats,  de Serena,   une Amphitrite ,  mini "ketch" de 8 mètres sur plans  de Maurice Amiet, acheté "d'occase" à Toulon en 1967. Ce n'étais pas un racer, tant sans faut, mais il ma laissé de bons souvenirs dont, outre des sorties avec mon Père et mon vieux complice et ami Henri, l'initiation aux (parfois rudes) joies de la navigation à la voile de celle qui allait devenir ma tendre petite épouse, Line...Ainsi le printemps précèdent notre mariage,  nous fîmes une jolie croisière en Corse qui lui permit d'admirer in situ les dauphins et autres cachalots  accompagnant notre tranquille navigation. Ma mignonne hôtesse de l'air n'en avait jamais vu autant depuis sa Caravelle!

     Serena et son confort minimaliste fut relevé en 1971 par une unité plus sérieuse qui réclama le renfort d'une aide financière à laquelle consentit, sans sourciller, mon austère beau-frère Georges . Ce fut donc "Petit Volant", Yawl hollandais en acier construit chez Van Der Meer pour le compte d'un yachtman fortuné  qui pratiquait alors les courses du RORC en Manche. Accastillage de "compett'", pour l'époque, avec intérieur soigné: la classe!

    Petit Volant (PV) ce fut toute une époque de notre vie heureuse à laquelle il me faudrait consacrer plusieurs chapitres, à commencer par la relation de notre première grande croisière, aux Baléares,  avec mon Capitaine au Long Cours de père, Line et les deux mousses, François et Pascal, nos neveux respectifs

    La retraite venue et l'âge avec, après une période "terrienne",  PV ayant lui aussi rejoint les invalides,  de même que les saumons reviennent à la source y terminer leur périple, j'ai avec Line retrouvé les rives du Bassin d'Arcachon qui m'avaient vu grandir. Donc un bateau s'imposait: ce fut Margouillat ll,  un monotype d'Arcachon amélioré et construit par un charpentier  "de marine",  recommandé par des amis (!),  qui sévissait à proximité de notre jolie Villa Blanche à Gujan-Mestras. C'était dans nos moyens et suffisant pour une remise à niveau. Il me permit également de retrouver les particularités et les pièges de cette mer intérieure moins innocente qu'il y parait!

    Après quelques rappels à l'ordre sous forme de "dessalage" par temps frais qui me firent comprendre que j'avais soit perdu la main soit perdu l'âge des gamineries,  je décidais de passer au niveau supérieur.

    Et de lancer la mise en chantier d'un "Pacific", dériveur lesté et série mythique du Bassin, conçue  durant la dernière guerre. J'avais navigué, jeune homme,  sur celui de Claude Agnus, mon ami d'enfance et condisciple à l'École Pasteur. Conservant de bons souvenirs de cette époque je ne doutais pas de les retrouver à l'identique.

    Obstiné dans l'erreur, je confiais à notre voisin la réalisation du projet. Projet qui devait avoir un caractère "historique", le dernier Pacific construit l'ayant été en... 1963. Je ne tardais pas à avoir des doutes concernant la capacité de l'artiste de mener à bien cette entreprise. Il s'avéra, hélas, que ce doux rêveur et fumiste n'aurait jamais dû quitter le guichet de banque derrière lequel il caressait ses rêves de chantier naval. Après un lancement catastrophique et plusieurs retours au chantier il fallut confier ce chef-d'œuvre au Chantier Bonnin pour refaire ce qui pouvait l'être. Il nous aura coûté cher celui là et il manqua de peu  dégoûter Line de la voile plaisancière!

    Mais on ne pouvait pas demeurer sur ce raté ;  je trouvais donc à revendre  Hiva Oa, c'était son nom,  inspiré par le souvenir d'une traversée à la voile du Pacific sud  achevée dans cette ile des Marquises chère à Gauguin et Jacques Brel qui y reposent.

    Line ayant fermement déclaré:" qu'elle ne me concevait pas sans bateau", mais par ailleurs lasse de se faire rincer sur un "mouille cul", nous nous rendîmes au Grand Pavois de La Rochelle de septembre 2009 pour y trouver notre bonheur. Ce fut un "Titango", ravissant petit sloop de 6,50 m, alliant le classicisme des formes à un gréement et un accastillage modernes. Ce fut le coup de béguin. Ayant pris rendez-vous avec le constructeur, Alexandre Genoud Bateaux Bois à Fouras, nous revenions  à La Rochelle début Octobre pour une sortie d'essai par un temps radieux dans la baie de Quiberon. Le temps de la réflexion, de quelques négociations et d'un petit voyage de fin d'année à Cuba, nous passions courant Janvier 2010  commande ferme au chantier Genoud de notre Titango, cela avec les acomptes inhérents .

    Le mois de février fut froid comme celui de Mars au début duquel nous allâmes sur la baie de St Brieux, à La Bouillie, visiter mon ami et ancien patron de la SOAEM de Port Gentil, Francis Lefèbvre vieux marin, mousse à 16 ans sur les 3 mâts Terre-Neuvas, toujours gaillard à 90 ans! Francis nous fit visiter les beaux rivages de la baie avant de nous régaler princièrement autour d'une table chargée des meilleurs produis de la mer.

    Nous quittâmes le Val André par un temps exécrable pour faire escale à Fouras et jeter un coup d'œil au chantier avant de rejoindre la Villa Blanche. Line était mal et toussait beaucoup. Nous attribuâmes cela à sa méchante bronchite chronique d'incorrigible fumeuse. Mais il fallut consulter et aller de consultations en examens pour aboutir au verdict fatal.

    Imogène fut donc construit dans ce climat, Line subissant avec courage une chimiothérapie lourde dont on nous promettait qu'elle "sortirait". Les photos prises lors de la mise à l'eau du bateau montre Line rieuse sous sa perruque blonde (une blague de Line!).

    Line cessa de souffrir à Bordeaux le 19 Avril suivant. J'ai immergées ses cendres dans le Bassin accompagné de mes amis Jacques Dié et Guy Terrasson. Nous ne l'oublierons pas.

 À bientôt sur nos lignes.

                            Claude Labour alias Captainclo

7 juin 2013

Son anniversaire, aujourd'hui.

Elle aurait eu 72 ans. J'ai fleuri son souvenir comme elle l'aurait aimé. Elle veille sur nous.

Claude

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